Compte-rendu de la réunion de Scourmont

Nous n’étions pas au complet

Présents : Acey, Blauvac, Castagniers, le Désert, les Flandres, la Grange, Igny, Port du Salut-La Coudre, Scourmont, Ubexy.

Représentés : Cabanoules, le Rivet

Absents excusés : Aiguebelle, Atlas, Tamié, Timadeuc.

Pas de réponse : de Koutaba, ni d’Orval.

Un groupe : s’est dissous, celui de Suisse Romande.

Avant de commencer réellement le travail, j’ai voulu relire la « Déclaration de Scourmont », tant il est vrai que cette rencontre s’inscrivait dans la parfaite continuité de celle de 2006.

Notre rencontre s’est déroulée sur deux jours. Nous étions heureux de compter parmi nous plusieurs membres du groupe de Scourmont, qui nous accueillait, et qui ont participé de manière très active aux échanges.

Le rendez vous était fixé au Vendredi soir pour les Vêpres et presque tout le monde était là, ce qui nous a permis un bref temps de présentation après Complies.

Dom Armand était présent et nous a prié de l’excuser pour la journée du Samedi puisqu’avait lieu la bénédiction abbatiale de Dom Lode à Orval, tout près de Scourmont.

Après une bonne nuit de sommeil, réparatrice des fatigues du voyage, nous avons assisté ensemble aux Offices du matin et à la Messe.

Première réunion de travail : Samedi matin de 9h à 12h

Les groupes se sont présentés : à la fois ceux qui étaient déjà présents l’an dernier, rapidement, et de manière plus approfondie ceux qui participaient pour la première fois : Acey, Flandres, Grange, Igny.

Cette présentation a été faite par un document écrit, archivé.

Le Rivet et Cabanoule, nouvellement crées, m’avaient confié leur texte que j’ai lu.

La majorité des groupes se recommandent d’un monastère qui leur donne leur « origine » et donc leur nom ; aussi avons-nous toujours parlé de « Acey », « le Rivet », « Igny », etc…, mais sans jamais oublier qu’il s’agissait d’une manière de parler et que l’on désignait par là bien évidemment le groupe des laïcs rattachés à telle ou telle communauté et non la communauté monastique elle-même.

Seul le groupe dit de « La Grange de Clairvaux » présente une particularité, puisqu’il « fédère » cinq groupes régionaux. Il a cependant été précisé que le monastère de rattachement était Cîteaux et qu’un travail d’approfondissement était en cours sur la nature des liens qui les unissent.

Le repas de midi s’est pris, non pas en silence, mais nous y avons prolongé nos échanges, nous permettant de faire plus ample connaissance les uns avec les autres.

Trois religieux étaient présents : Sœur Marie-Raphaële de Blauvac, Sœur Marie-Jo d’Esquermes, Frère Pierre-André du Désert. Tous trois ont été invités à s’exprimer sur ce qu’ils avaient entendu. Nous nous sommes sentis écoutés et reçus dans notre recherche ; le mot « nouvelle Pentecôte » a été prononcé.

De même, comme représentante francophone du CI, j’ai présenté rapidement la situation actuelle du CI et le travail qu’il a effectué depuis le chapitre général OCSO en 2006. Cela permet de situer dans son contexte la nature de la réflexion qui est menée, ici, à Scourmont en 2007, sur l’identité « cistercienne » des laïcs en vue de la rencontre internationale de Huerta en 2008 (voir ci-dessous).

Deuxième rencontre de travail : Samedi après-midi entre None et Vêpres

Nous avons décidé de vivre cette réunion en séance plénière, le travail en petits groupes ne nous paraissant pas forcément nécessaire à la qualité de nos échanges.

Il faut souligner que cette rencontre, studieuse et laborieuse, a été entrecoupée d’une pause (dans le patois régional, ça s’appelle « prendre son quatre heures ») dont nos amis belges nous ont fait comprendre qu’elle était in-dis-pen-sa-ble. Ils ont raison !

L’objet de ce temps de travail avait pour but de s’exprimer sur ce qui fera le thème de la Rencontre Internationale de Huerta en 2008 : « l’identité cistercienne » des laïcs que nous sommes.

La réflexion sur cette question (où on a parlé de la « spiritualité de l’avent ») nous a amenés à distinguer 3 niveaux d’implication complémentaires : le plan personnel, le niveau du groupe et la relation de chaque groupe avec une/sa communauté monastique de référence. Un quatrième niveau, celui de la relation entre les divers groupes de laïcs (ou lien de charité unissant les groupes), a également été abordé, mais principalement durant la réflexion du dimanche. Nous y reviendrons donc plus loin. Pour le moment, retenons les trois premiers « niveaux » :

1) Au niveau personnel

Il y a eu une totale unanimité pour s’accorder sur le fait que chacune et chacun d’entre nous était rejoint au plus profond de lui-même par l’expérience vécue auprès du monastère d’accueil. Il s’agit d’un mouvement du cœur qui peut s’appeler « conversion permanente », pour des raisons qui ne sont pas toujours faciles à expliquer. Certains ont pu parler de redécouverte de leur histoire personnelle, d’autres de « présence à soi-même », d’autres de découverte de la liberté, et, après discussion peut-être pouvions nous dire « parce que cela nous convient ». Tout simplement.

2) Au niveau du groupe

Cette découverte personnelle, pour ceux qui étaient présents, ne fait pas l’économie du partage communautaire. Il n’est pas sans importance de souligner que notre désir se trouve amplifié par le fait qu’il est partagé par d’autres femmes et hommes avec lesquels nous partageons le même attrait pour la spiritualité cistercienne. Mais là, nous avons rencontré un problème d’ordre sémantique, le terme de « communauté » de laïcs ne nous satisfaisant pas plus que celui de « groupe ». Nous sommes totalement d’accord sur le fait que nous ne sommes pas appelés à vivre de manière communautaire ce lien cistercien (comme si nous étions appelés constituer une « communauté de vie » au sens propre et canonique du terme : communauté de table, de prière, de lieu et de biens). Par contre, et c’est là l’essentiel, nous faisons l’expérience de liens fraternels très forts qui ne sont pas recherchés pour eux-mêmes, mais sont reçus comme des cadeaux. A cet égard, le terme « fraternité » est sans doute celui sur lequel nous nous rejoignons le plus.

L’imbrication de ces deux premiers plans (le niveau de la personne et le niveau de la fraternité) peut se vérifier en ceci que la démarche personnelle se trouvait soutenue par une démarche commune : la lectio divina, unanimement vécue comme moyen d’unification personnelle, permettant de réduire la tension que créent en nous appel à la vie intérieure (prière) d’une part et engagement dans le monde (action). Unification personnelle qui nécessite du temps, c’est évident, mais qui peut se faire grâce à l’aide qu’apporte la communauté monastique.

3) Les liens avec nos monastères

De ce point de vue, nous avons pu assez facilement tomber d’accord sur l’importance que revêt la fréquentation de la communauté monastique, que ce soit par la participation aux offices, par les temps de retraite personnelle, par les temps de rencontre des fraternités à l’hôtellerie des monastères. En effet, ce que nous voyons alors, c’est l’incarnation de cette spiritualité qui nous attire. Cette incarnation nous permet d’entrer plus concrètement dans la réalité de notre désir, puisque nous voyons des sœurs et des frères qui vivent cette spiritualité, dans un mode de vie différent certes, mais nous échappons alors à la tentation du rêve ou de l’idéalisme.

Par contre, nous avons perçu davantage de divergences de vue en ce qui concerne sur la nature de liens que nous avons avec nos monastères. Nous avons parlé d’« accompagnement », mais certains préfèrent le terme de « compagnonnage » qui leur semble plus respectueux de l’autonomie des laïcs. Pour la plupart d’entre nous, il semble difficile, voire impossible, d’exister sans cette communauté monastique qui nous a comme engendrés. Mais pour d’autres, il pourrait se concevoir une sorte de cheminement temporaire qui, ensuite, donnerait naissance à un groupe indépendant et totalement autonome par rapport au monastère. Ce temps de cheminement serait alors assimilé à une sorte de « temps de formation ». Nous y reviendrons.

Ce qui est sûr, dans tous les cas de figures, c’est le grand désir de responsabilité qui nous habite. Nous sommes d’accord pour dire que le laïc n’est pas un chrétien de seconde catégorie, et que l’appel à la sainteté concerne chacun, religieux comme laïc. Bien loin de consister un « plus de droits », cette prise de conscience nous ouvre à « plus de devoirs », plus d’humilité.

Nous avons réaffirmé avec force et avec unanimité notre volonté de respecter totalement la vie monastique de nos frères et sœurs et de ne vouloir en rien venir troubler un choix de vie que nous respectons. De même, aucune confusion sur le fait que nous sommes laïcs dans le monde, nullement appelés à jouer au moine, pas plus qu’à adopter une attitude sectaire.

Bien au contraire, tous ces liens sont destinés à nous enfoncer encore plus profondément dans tous nos lieux de vie où nous devons devenir levain de la pâte par la grâce des dons reçus.

Il est à noter que le groupe de Castagniers a fourni un remarquable travail de thématisation des enjeux liés à cette double question (1) du lien avec le monastère et (2) de la manière de vivre de la spiritualité cistercienne dans le monde (alors que les moines et moniales le font en s’en retirant…). Apparaissait ainsi en pleine lumière le paradoxe qu’il y a à parler de « laïcs cisterciens ». Comment est-ce possible ? Question évidemment ouverte et difficile…

Ajoutons aussi que la fin de l’après midi du samedi a pris la forme d’un débat ouvert, où, à travers les propos échangés se cherchait comme à tâtons ce qui ferait pour ainsi dire la « Cistercianité » du laïc qui vit en lien de proximité et d’alliance avec un monastère cistercien. Ne serait-ce pas justement, tout simplement, de vivre de ce lien étroit avec un monastère cistercien, pour y puiser la sève de sa vie spirituelle et donc trouver ainsi la source de sa fécondité apostolique et missionnaire dans les profondeurs d’un cœur à cœur à Dieu ? Où le « faire » de nos engagements humains et professionnels puise son énergie dans l’être-devant et en-Dieu de la vie spirituelle… La question sera d’ailleurs reprise durant les échanges du dimanche après-midi…

Troisième séance de travail : Dimanche matin avant la Messe

Nous avions environ deux heures pour débattre des liens de charité qui unissent les groupes (le dernier des quatre niveaux signalés plus haut). Notre accord est total sur l’intérêt de nous rencontrer et, au-delà, d’aller à la rencontre des groupes du monde entier. La participation à la RI de Huerta est une évidence pour tous.

Mais une question s’est posée : « Une rencontre, telle que celle que nous vivons - qualifiée de « rencontre de travail » et programmée à l’initiative du Comité International - doit-elle être l’unique type de rencontre que nous avons à partager, ou pouvons-nous envisager d’autres formes de rencontre, plus conviviale, plus fraternelle, voire plus informelle ? »

Certains allaient dans ce sens, avançant l’argument que, sans se substituer aux rencontres de travail, ce second type de rencontre permettrait effectivement une participation ouverte à un plus grand nombre.

Certains ont cependant souligné qu’il n’était pas forcément souhaitable de trop multiplier les occasions de rencontres, une certaine ascèse cistercienne nous invitant plutôt au silence, au calme et à l’intériorisation.

Etant donné que l’an prochain nous nous retrouverons à Huerta, la question qui se posait alors était la suivante :

« Devons-nous envisager une rencontre identique à celle-ci tous les ans ? Et dans ce cas, comment faire la place à une rencontre d’un type différent ? »

Il fut alors décidé de procéder à un vote pour nous départager.

A l’exception d’une voix, nous choisîmes de nous rencontrer en 2010 à l’initiative du CI, pour une rencontre de travail identique à celle-ci.

Le nombre de ceux qui choisirent cette option est sans doute équitablement partagé entre ceux qui l’ont fait de manière à dégager l’opportunité d’une rencontre supplémentaire, informelle et largement ouverte aux membres des groupes, pour 2009, et ceux qui pensent qu’il est peut-être inopportun de trop multiplier les occasions de rencontres, le plus fondamental étant ce qui se vit au niveau de nos monastères d’origine.

Quoi qu’il en soit, il a été convenu et accepté que ceux qui désirent provoquer cette rencontre en 2009 en assumeront l’initiative, l’organisation et la mise en œuvre indépendamment du CI.

Nous avons ensuite évoqué la rencontre de Lourdes d’Octobre 2007, à l’initiative de la CSMF, sur le thème ‘Familles spirituelles, laïcs religieux, un nouveau visage d’Eglise. Plusieurs d’entre nous y participerons.

Quatrième rencontre : Dimanche après-midi

Nous décidons de reprendre le travail dès 14h, et de ne pas participer à l’office de None afin de pouvoir terminer le travail pour 17h. Le représentant d’Ubexy nous quitte, ainsi que quelques membres de Scourmont, mais Dom Armand se joint à nous.

Nous lui exposons, par un bref résumé, la teneur de nos séances précédentes. Dom Armand nous écouté attentivement. Je lui ai demandé de nous lire un document auquel Marie-Claire, de Scourmont, avait fait allusion la veille, relatif aux types de relations possibles entre les communautés monastiques et les groupes de laïcs qui s’y rattachent. Le type de reconnaissance que les laïcs peuvent en attendre sur le plan juridique en découle, bien évidemment.

Comme nous l’explique Dom Armand, deux possibilités existent :

- soit chaque groupe reste lié à son monastère, et l’Ordre prend acte de l’existence de ce élément nouveau qui fait du groupe de laïcs une composante particulière de la communauté monastique, et modifie dans ce sens le texte de ses Constitutions

- soit, les groupes de laïcs s’agrègent entre eux, s’autonomisant des monastères pour donner naissance à une sorte de Tiers Ordre Cistercien, dépendant alors non plus de l’Ordre comme tel, mais relevant de la Congrégation pour les Laïcs en devenant « une association de fidèles laïcs ».

Les réactions des uns et des autres à ces schémas sont allées très nettement vers la première hypothèse.

Nos échanges sont alors devenus plus fournis et beaucoup moins consensuels. Nous avons notamment été très partagés sur le fait qu’une « mission » spécifique incomberait aux laïcs cisterciens.

Pour la plupart d’entre nous, il était bien évident que notre engagement cistercien n’implique pas que nous ayons une mission « en plus » à accomplir, mais bien plutôt qu’il nous transforme de l’intérieur et donne ainsi naissance à une façon « nouvelle » d’accomplir toute notre mission de chrétiens dans le monde, façon toute différente car habitée par l’expérience d’unification de notre être que nous découvrons grâce à ce laïcat cistercien.

Par contre, pour certains, cette « mission » en Eglise s’apparente plus à un nouvel apostolat, le laïc cistercien étant pour ainsi dire « envoyé », « missionné », après un temps de formation plus ou moins long (cf. ci-dessus).

S’en est alors suivi tout un échange sur la distinction entre « l’être » et le « faire », discussion intéressante, certes, mais un peu marquée par la fatigue accumulée, ce qui a fait dire, bien justement, à Sœur Marie-Raphaële :

« Oh ! C’est bien compliqué ! ».

Aussi avons-nous pensé qu’il était temps de clôturer la rencontre, avant de nous perdre dans des échanges qui risquaient de devenir trop « intellectuelo-scholastiques » !

Conclusion :

Cette seconde Rencontre des groupes francophones fut assez différente de la première, mais toutes deux forment un tout.

A l’exception des groupes de Koutaba, l’Atlas, Tamié et Orval, la totalité des groupes de langue française a été présente ou représentée. Un travail considérable d’approfondissement de ce que nous sommes, et, sans doute, de ce que nous ne voulons pas être, s’est fait, dans une ambiance d’écoute et de profond respect mutuel. Nous avons ainsi appris à nous connaître et à découvrir la richesse de ce que nous partageons, justement à travers la diversité de nos expériences réciproques. Cette rencontre nous a aussi permis de constater que beaucoup reste à faire sur le plan de la réflexion. Mais nous avons déjà bien mis en marche notre prochain rendez-vous, à Huerta, l’an prochain, qui rassemblera des soeurs et des frères venant du monde entier.

En 2006, nous célébrions le dixième anniversaire de la mort tragique des frères de Tibhirine, en 2007 la fête de la Sainte Trinité.

Pour tous ces dons reçus, nous ne pouvons que rendre grâce !

Marie-Christine


(C) 2008 - Tous droits réservés

Imprimer cette page