Bienheureux Christian de Chergé, moine-martyr de Tibhirine
Attendre ?
ATTENDRE ?
Pourquoi attendre puisque le Christ est déjà venu ? L’enfant aux couleurs roses, le décor de la crèche, ces 1000 choses de Noël qui nous rassurent, même lorsqu’elles nous paraissent désuètes. Oui, mais… Chrétiens, qu’avons-nous fait de l’ATTENTE ? Connaîtrions-nous le jour et l’heure ? Nous croyons avoir, savoir, pouvoir… Déjà saint Paul aux Corinthiens (1 Co 4,8) : Déjà vous êtes rassasiés, déjà vous êtes enrichis ! Sans nous, vous êtes devenus rois !
Il nous faut recevoir l’attente qui est latente dans l’injustice, l’épuisement, le refus, les révoltes, les rancœurs, les larmes. Attente de l’Unique indicible, inédit… latente dans l’athéisme lorsqu’il refuse un Dieu tout dit, un Verbe qu’on rabâche, vidé de son mystère… Les rejets de Dieu aujourd’hui nous renvoient à l’ATTENTE ! Tant qu’il y a de la NUIT dans le monde quelque part, il faut être là pour VEILLER. Attendre Celui qui vient comme la LUMIERE.
Pourquoi attendre, puisqu’il y a tant à faire là, maintenant ? L’urgence est au présent… Les ventres affamés n’attendent pas… c’est maintenant qu’il faut visiter qui est en prison, soulager qui est malade, etc. Oui, mais… Cela peut très bien tourner à l’insouciance comme au temps de Noé. Et puis « à chaque jour suffit sa peine ». Image statique d’une humanité repliée sur ses besoins du moment : on mange, on boit, on dort… « Métro, boulot dodo ». L’Arche est l’image du mouvement, Noé est l’homme de l’espérance. L’image suivante est celle d’un TRI à faire en nous : cette partie qui n’attend rien : mort. Cette partie qui attend, et qui est pour la vie. VEILLER = changer l’épée en soc de charrue… Et ensuite, attendre le fruit du labour. Car soulager le ventre affamé et partager avec lui « le pain de ce jour », c’est l’inviter à prendre force, comme nous, pour marcher vers la lumière.
Pourquoi attendre ? Parce que Dieu même nous attend… S’il vient, c’est pour nous le dire. Notre PAIX = rencontre de deux attentes (contrairement à l’affût). Guetteur de l’aube, à l’affut de Dieu, sais-tu qu’Il guette, au plus noir de toi, une aurore ? Pèlerin d’eau vive… sais-tu qu’Il cherche, au plus dur de toi, une source ? Voleur de grâce, affamé de Dieu, sais-tu qu’Il met, au plus fou de toi, le partage ?
Nous sommes dans un monde où l’attente est partout : on fait la chaîne pour le café, le savon, etc. On attend l’autobus ou l’avion. On se décourage : pas de café aujourd’hui ; grève des bus. Mais il y aura toujours un morceau de Dieu, une visite de Dieu, parce qu’Il n’en finit pas de VENIR… « Le salut est au plus près de nous maintenant qu’au moment où nous sommes devenus croyants ! »
Entrer dans l’ADVENTUS, c’est reprendre le fil d’une histoire qui a commencé avec la création. Alors, mystérieusement, Dieu est sorti de lui-même et déjà il y a une brèche au cœur de Dieu, par où sort le voleur qui vient percer notre maison (le laisser dérober notre trésor) ; vers où vogue l’arche qui a besoin d’échapper à la terre ferme pour rejoindre l’océan de l’amour.
Christian de Chergé, Sermon pour le 1er dimanche de l’Avent, 30 novembre 1986, année A, in L’autre que nous attendons, homélies du père Christian de Chergé, éd. Les cahiers de Tibhirine, 2006, p.209-210.
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Un texte pour prier