Une adhésion du coeur au charisme cistercien
Lors de notre dernière rencontre, Mère Marie-Christine vous a proposé de passer à une nouvelle étape dans votre cheminement spirituel et concret de laïc cistercien du Rivet, plus précisément, elle vous a proposé de poursuivre votre chemin de laïc en direction d'une sorte de libre engagement de votre personne qui vous rendra à la fois responsable et conscient de l'appel de Dieu, des exigences de votre appel.
Mais de quoi s’agit-il quand nous vous parlons d’engagement? Comme vous l’a dit Mère Marie-Christine, dans son exposé « Être laïc cistercien du Rivet », vous n’avez pas à devenir des moines, des moniales dans le monde. La formation que nous vous proposons ne va pas dans ce but. Par contre, vous devez demeurer et vous enraciner dans votre vocation particulière de laïcs par le biais d’une spiritualité qui vous aide à vivre l’Evangile dans vos lieux de vie divergents, qui vous sont propres, et une spiritualité qui vous donne des ailes pour votre mission dans l’église ou la société, la famille. De ce fait, votre engagement de laïc cistercien est "une adhésion du cœur au charisme cistercien", une adhésion qui ne vous demandera pas de prononcer des vœux, qui vous gardera libre pour vos obligations et vos autres engagements.
Nous, c’est-à-dire Mère Christine et moi-même d’une façon toute particulière, mais aussi la communauté par sa communion et sa prière, nous jouons le rôle de canal pour vous transmettre cette grâce du charisme cistercien à laquelle vous avez été appelé et que nous sommes appelées à vous partager. Cette grâce, vous l’adapterez dans l’obéissance à l’Esprit Saint, dans vos divers milieux de vie, c’est-à-dire que d’elle-même, cette grâce du charisme cistercien s’inscrira dans votre cœur, votre vie, elle émanera de votre personne. Cela dépendra de ce que vous ferez de votre adhésion, cela dépendra de ce que vous ferez de nos rencontres, de votre vie de prière, de votre lectio, du lien de communion que vous entretiendrez avec nous dans la confiance réciproque, de vos lectures des pères cisterciens.
Cette « adhésion du cœur au charisme cistercien », j’allais dire : votre adhésion solennelle, ne pourra se faire qu’après un temps nécessaire de discernement et de formation à la spiritualité cistercienne qui s'étendra, comme nous vous l’avons dit, sur trois périodes de deux ans. Nous avons décidé de nommer symboliquement ces trois périodes, celliers. Cette image du cellier, pour qualifier les étapes de votre adhésion, n’a pas été choisie par hasard. Elle s’inscrit, tout d’abord, comme naturellement dans le contexte culturel et environnemental de notre région viticole. Et puis, elle était chère à saint Bernard lui-même qui l’a utilisé pour parler des étapes de l’engagement du moine cistercien. Dans le sermon 23 sur le Cantique des cantiques, il évoque le cheminement du moine comme chemin de croissance à la fois spirituelle et concrète, et donc, comme chemin de conversion de vie. On ne devient pas moine du jour au lendemain, on l’est chaque jour, à condition de vivre chaque jour dans la fidélité à ce que Dieu veut. Il va donc falloir grandir pour mourir à soi, grandir pour que notre volonté adhère totalement à celle de Dieu, qui bien souvent ne correspond pas à la nôtre… Il va falloir aller de lieu en lieu, c’est-à-dire passer, vivre une pâque à des moments précis de notre vie où il nous est donné d’apprendre le nécessaire pour vivre en Dieu. Saint Bernard propose donc trois étapes, trois lieux de vie comme lieu de croissance, de recréation :
le cellier des aromates, c’est-à-dire le noviciat, où le moine expérimente la vie proprement dite du cloître en apprenant à être disciple, où il est mis à l’épreuve, trituré, concassé intérieurement afin de devenir conforme aux désirs de Dieu, d’être libéré de son « moi » égoïste, d’être à même d’adhérer aux exigences de la vie commune ; il est conduit par un guide qui le réconforte, l’assiste dans ses épreuves en lui apprenant le dur labeur de l’obéissance ;
le cellier des parfums, c’est-à-dire la communauté, où le moine apprend à vivre en frère, où il expérimente le combat de la vie fraternelle, ses limites et celles des autres, où il apprend à aimer et à être aimé, à s’oublier, à cultiver un esprit de fraternité, le moine étant soutenu par la direction et la paternité aimante de l’abbé ;
le cellier de la grâce, ou cellier du vin, lieu à part, lieu de la maturité, où seul y entrent ceux qui ont été capables de mener le beau combat de l’humilité au noviciat et le bon combat de l’amour dans le cellier des parfums. Ceux qui y résident y ont été appelés : ce sont les supérieurs, guides et pasteurs des frères.
Bien sûr, nous n’allons pas reprendre les idées de Bernard telles quelles, mais nous les avons adaptées, en les nommant autrement et en formulant autrement leur contenu. Cependant, nous avons gardé les mêmes principes : l’idée de croissance spirituelle et d’accompagnement nécessaire.
Enfin, avant d’aborder nos celliers, je rappelle la représentation symbolique biblique du cellier. Elle est riche d’enseignement pour nous. Dans la Bible, le cellier est la salle du trésor du Temple, où l’on stockait les dons, on recueillait les dîmes, où les Israélites apportaient leurs offrandes (cf. 2 Esdras, 13, 12-13 [1] et Malachie 3,10 [2]). Or, vous allez de cellier en cellier, vous êtes donc des dons précieux que la grâce de Dieu va faire fructifier. Ainsi, avec vous, nous le reconnaissons, ce n’est pas pour rien que vous êtes là. Nous prenons au sérieux votre vocation. C’est pourquoi l’Ordre cistercien demande aux divers groupes une meilleure organisation, un sérieux effectif dont les communautés religieuses sont responsables. Ces dernières doivent, avec les moyens qui leur semblent les meilleurs -charte ou autres- en être les gardiennes : gardiennes du trésor cistercien, d’un charisme pluri séculaire dont on ne peut faire n’importe quoi.
Voici donc les trois celliers, ou trois étapes de croissance, pour vous aider à cheminer en cistercien, pour un laïcat cistercien, étapes qui vous conduiront à une adhésion solennelle au charisme cistercien : l’étape du seuil du cellier, celle de l’entrée dans le cellier, celle de l'entrée au cœur du cellier.
1) L'étape du seuil du cellier, une étape de discernement :
C'est une première période de probation et de discernement qui vous permettra avec l'accord de l'abbesse d'entrer dans le groupe des laïcs cisterciens du Rivet, d'officialiser votre appartenance au groupe, sans toutefois « être » totalement laïc cistercien. Ce temps sera ponctué d'entretiens individuels, au moins tous les trois mois, et de la participation aux week-end.
2) L'étape de l’entrée dans le cellier, une étape d'apprentissage :
Période d'approfondissement de la vie spirituelle et de formation au charisme cistercien. Ce temps devra être ponctué, en plus des entretiens et des week-end, dans l’année, de trois retraites individuelles de deux jours au moins à l'hôtellerie. On s’engage aussi à vivre en communion de cœur un office par jour. On est considéré comme « apprenti laïc cistercien ». On doit donc obligatoirement participer pleinement à la vie du groupe.
3) L'étape de « l'adhésion du cœur », ou l'entrée au cœur du cellier, une étape de confirmation :
Au terme de cette étape, vous prononcerez solennellement devant la communauté au chapitre votre adhésion au charisme cistercien. Deux années de préparation pour vous permettre de promettre fidélité à l'Evangile et au charisme cistercien, c'est-à-dire : à une vie de prière et de lectio, une vie de simplicité, d'amour de Dieu et du prochain, de service, de conversion dans le cadre de vos lieux de vie respectif.
Nous reviendrons dans le détail sur la formule de cette adhésion. Mère Marie-Christine elle-même vous en parlera. Mais tout d'abord, j'aimerais réfléchir avec vous sur la notion d' « adhésion du cœur au charisme cistercien », et sur les étapes, ou celliers, de l'adhésion, voir avec vous ce qu'est une vie de fidélité à l'Evangile et au charisme cistercien, c'est-à-dire ce qu'impliquera par la suite votre adhésion.
Votre adhésion, il faut déjà que vous la conceviez non pour un temps, parce que ça vous plaît aujourd’hui, mais dans la durée. De plus, il faut que vous réalisiez qu'après votre adhésion, il vous sera certainement beaucoup demandé, d'abord de la part de Dieu lui-même et de vos proches - une vie de conversion est exigeante -, mais aussi de la part du groupe lui-même dans lequel vous promettrez adhésion, et là je vous renvoie au dernier exposé de Mère Christine où elle aborde les questions de la fidélité, de la discrétion, de l’appartenance et de l’investissement personnel auxquelles, par votre adhésion, il vous faudra vraiment répondre, sinon il ne sert à rien que vous poursuiviez, que vous prononciez votre adhésion solennelle ; enfin, de la part du mouvement international des laïcs cisterciens, vous aurez à assister à des réunions car le groupe ne devra pas vivre recroquevillé sur lui-même, au Rivet, ni chacun d'ailleurs au sein du groupe… Vous devrez veiller à ne pas "faire n'importe quoi" de la spiritualité cistercienne, à ne pas la brader contre d'autres spiritualités. C'est très important de considérer ce que votre adhésion impliquera, de réaliser que votre adhésion implique d'autres personnes, une communauté et un Ordre monastique auquel vous vous rattachez et dont vous devrez respecter le charisme.
Voilà, nous vous avons proposé un vaste programme, mais quelle joie de prendre avec vous ce chemin qui nous conduit ensemble vers l’éternité de Dieu, c’est-à-dire nous invite à vivre de son Amour, dans son Amour. Et quelle joie de constater avec vous qu’il est beau et riche en bienfait, promis à un avenir, cet appel à être laïc cistercien, à répondre par une adhésion totale du cœur au charisme cistercien
[1] "Tout Juda apporta dans les celliers la dîme du blé, du vin nouveau et de l'huile. je confiai l'intendance des celliers à Sélémias, le prêtre, à Sadoc, le scribe, et à Phadaïas, l'un des lévites, et je leur adjoignis Hanan, fils de Zachur, fils de Mathanias, parce qu'ils étaient reconnus fidèles".
1[2] "Apportez toute la dîme au trésor et qu'il y ait des vivres dans ma maison!"
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