Quand L'Osservatore Romano publie sur l'élection du Pape Léon XIV ...
Un article de Dom Thomas Georgeon, postulateur de la cause de Béatification des Martyrs d'Algérie : Surprises et consonances
La première surprise fut la rapidité de l'élection. 4 tours, cela signifiait qu'il y avait eu un beau consensus autour de l'élu alors qu'on nous prédisait un collège cardinalice éclaté qui ne se connaissait quasiment pas. Or, il semble bien que l'élu correspondait fort bien aux attentes des cardinaux, et, par eux, du peuple de Dieu. L'Esprit Saint avait bel et bien soufflé sur la Sixtine, n'en déplaise à ceux qui pensent qu'il s'agit là de politique et de combat de blocs.
La seconde surprise fut l'annonce par le Cardinal Mamberti, Proto-Diacre, de l'élection du cardinal Prévost, Léon XIV. Comme l'élection se tenait le jour de la mémoire liturgique des 19 martyrs d'Algérie dont je suis le postulateur, je m'étais pris à rêver d'un pape pied-noir ou algérien...!!! Et voilà que c'est un fils de saint Augustin, évêque d'Hippone en Algérie, qui se trouve élu ! Il se trouve que, dans les 19, deux sœurs assassinées étaient des Augustines Missionnaires... dont l'une disait que son choix de rester en Algérie était la fidélité à l'évangile et que son modèle parfait était Jésus qui a souffert, a eu à vaincre des difficultés et a abouti à l'échec de la Croix d'où jaillit la source de la vie.
En écoutant ses premiers mots, qu'il avait très certainement pesé puisqu'ils étaient écrits sur une feuille, j'ai été saisi par certaines consonances avec les 19 et, notamment avec le bienheureux Christian de Chergé. En effet, le Pape Léon XIV a appelé à la paix, nous annonçant par-là Jésus-Christ, l'Évangile. Appel à la paix, "une paix désarmée et désarmante, humble et persévérante". Comme en écho à la prière de Christian de Chergé lorsqu'il se retrouva face à un émir du GIA la nuit de Noël 1993 et dont la prière fut "Seigneur désarme-moi et désarme-le". Léon XIV a appelé de ses vœux une église qui, comme la place Saint-Pierre, sache se faire accueillante à tous, en construisant des ponts. L'attitude de l'Église est celle de Jésus : les bras ouverts, elle offre simplement sa vie. Le bienheureux Christophe Lebreton (moine de Tibhirine) utilisait la métaphore de la "maison sur le pont" pour parler du monastère de Tibhirine et de sa présence en milieu musulman qui se voulait hôte de la différence.
Léon XIV a insisté sur la dimension missionnaire de l'Église faite d'hommes et de femmes fidèles à Jésus-Christ. Me revenait en mémoire les mots du bienheureux Mgr Pierre Claverie le jour de son installation comme évêque d'Oran : Notre Église est envoyée en mission Nous ne sommes pas et ne voulons pas être des évangélisateurs qui font du prosélytisme [...]. Mais nous sommes et voulons être des missionnaires de l'amour de Dieu tel que nous l'avons découvert en Jésus-Christ. Cet amour, infiniment respectueux de l'homme ne s'impose pas".
Dans son homélie aux cardinaux le 9 mai, lendemain de son élection, Léon XIV a rappelé l'urgence de la mission dans les contextes où la foi chrétienne est considérée comme absurde, mission sur le lignes de fractures... Cette mission de l'Église dont Mgr Claverie disait : Où serait l'Église de Jésus-Christ, elle-même Corps du Christ, si elle n'était pas là d'abord ? Je crois qu'elle meurt de n'être pas assez proche de la croix de son Seigneur. Si paradoxal que ça puisse paraître, et saint Paul le montre bien, la force, la vitalité, l'espérance, la fécondité chrétienne, la fécondité de l'Église viennent de là. Pas d'ailleurs ni autrement.
Il y a quelques mois, l'alors encore Cardinal Prévost, dans une interview télévisée disait : "Je crois qu’aujourd’hui la voix de l’Église, le témoignage de l’Église non pas comme institution mais comme communion des fidèles, avec les martyrs, avec la présence et le témoignage d’hommes et de femmes qui donnent leur vie si souvent même dans des situations de violence, de guerre, de conflit, est une voix qui offre une grande espérance au monde". Le chrétien est appelé à témoigner de l'amour de Dieu par sa propre vie. Dans les dernières années de sa vie, Mgr Claverie, éclairé par les circonstances que son Église d'Algérie traversait, réfléchissait souvent et volontiers sur le fait que le plus grand témoignage d'amour est précisément le martyre, qui est le fait d'assumer les conséquences de ses engagements. Cela ne se traduit pas toujours par une mort violente, il existe aussi un "martyre blanc" qui se vit à travers les petits et grands dons de chaque jour par amour. C'est ce visage de l'Église que Léon XIV a dessiné dans sa première homélie en rappelant aux cardinaux qu'il faut "disparaître pour que le Christ demeure... se dépenser jusqu'au bout pour que personne ne manque l'occasion de Le connaître et de l'aimer". Assurément, accepter la charge de successeur de Pierre donnera au nouveau Pape maintes occasions de vivre ce martyre blanc pour laisser transparaître le visage du Christ à jamais vivant.
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